LA CHAPELLE SAINT JEAN
DE REGUSSE


chapelle saint jean
(photo du guide touristique de l'office du tourisme)

Dédiée à Saint Jean Baptiste,
elle fut bâtie en 1641 par Charles de Grimaldi,
son orientation nord-sud est peu commune.

C'est en 1984, que cette chapelle fut restaurée.

Les fresques ornant l'intérieur furent exécutées par Jean Beaucent.

Le choeur

( photo F.B.I.)

La chapelle Saint Jean située sur la colline du village,
accueille les pèlerins en procession
tous les ans aux alentours du 24 juin.


Croix rustique

(photo F.B.I.)
La Vierge Marie

(photo F.B.I.)


Grâce aux documents fournis par Mr André qui entretien la chapelle,
on a une descriptione complète de la décoration de la chapelle. .
- 1 - Etude de la chapelle
- 2 - Conception de sa décoration
- 3 -Symbolisme de la décoration : composition et couleurs.

La première chose qui frappe c'est l'orientation inhabituelle de cette chapelle.
Elle est orientée du sud au nord, alors que la quasi totalité des églises ou chapelles est orientée d'ouest en est.
Quand, d'une manière rarissime, l'orientation est différente, celle-ci est due,
le plus souvent à une impossibilité relative au site.

Ici ce n'est pas le cas, le vaste plateau sur lequel elle est bâtie permettait l'orientation traditionnelle.
Cette "anomalie" ne peut donc être que volontaire et résulte, à n'en pas douter,
d'un acte réfléchi du maître d'oeuvre, d'une géographie mystique dont le but ne peut être que symbolique.

Dès lors que la volonté du bâtisseur apparaît évidente, tout est clair, tout est symbolique dans cette chapelle.
Et le choix de l'orientation correspond à la consécration de la chapelle à saint Jean Baptiste le "Précurseur",
celui qui a annoncé le Christ, le Messie.

La naissance de saint Jean se fête le 24 juin, au solstice d'été,
celle du Christ le 25 décembre au solstice d'hiver.
Au solstice d'été le sud, au solstice d'hiver le nord-.
L'axe va au Christ en partant de saint Jean.
Du sud au nord voici l'axe d'orientation de la chapelle :
la volonté symbolique du constructeur apparaît évidente.

A l'origine, seuls les baptisés entraient dans l'église ;
les catéchumènes, les postulants suivaient l'office dans une salle d'attente nommée le narthex.

Or saint Jean précède le Christ, il fallait donc,
pour que l'église fût en conformité avec ce qui était saint Jean,
la faire précéder symboliquement, non pas par un véritable narthex
mais d'un porche ouvert sur les trois points cardinaux du sud, de l'ouest et de l'est
et dont le quatrième, le nord - le solstice d'hiver - ouvre sur la chapelle elle-même.
Ainsi en entrant par le sud, - le solstice d'été - la saint Jean,
on peut accéder au Christ.

Le symbolisme ne s'arrête pas à l'orientation.

On est frappé par la disposition particulière du sol, constitué de trois niveaux, sensiblement égaux.
Bien sûr on pourrait penser que cette disposition est due au hasard de la conformation du sol
ou au hasard de la construction en deux temps de l'édifice.

Mais qui empêchait, soit de terrasser, soit de remblayer.
Au vu du symbolisme du reste de l'édifice il ne paraît pas déraisonnable de penser
qu'on s'est servi des dispositions naturelles du sol et des étapes de la construction
pour mieux exprimer une idée qui transparaît dans toute la chapelle :
celle de l'unité dans la Trinité.

Les fenêtres sont au nombre de sept.
Trois sur la façade d'entrée : trois comme la Trinité, sanctifiant ainsi,
dès la porte franchie, la lumière qui éclaire la chapelle.
Quatre éclairant le fond de la chapelle : le choeur ; quatre comme les quatre éléments fondamentaux du monde terrestre.
Ainsi la lumière qui vient de ces fenêtres réalise-t-elle "que votre volonté soit faite sur la terre, comme au ciel".
Ce qui est déjà fait, grâce aux trois fenêtres de l'entrée.

Enfin j'ajouterais que la chapelle date de 1641
et que la présente restauration a été commencée en 1984 soit 343 ans après la construction
or 343 est égal à 7 x 7 x 7 ( soit 7 puissance 3 ). Hasard ?

Il s'agissait donc d'adapter l'imagerie de l'ensemble de la décoration,
à ce livre de pierre, d'y réaliser un complément que les gens du pays reconnaîtraient.
Et au-delà de l'imagerie, concevoir une composition qui,
par ses formes, ses lignes, ses dimensions, ses nombres et ses couleurs
soit une explication symbolique qui approfondit cette imagerie.

Il faut parler du symbolisme des nombres principaux.

1 - représente l'unité - le tout -
2 - exprime la dualité, comme l'union, le bien et le mal, l'anode et la cathode,
l'émission et la réception, l'homme et la femme.
3 - le triangle parfait équilatéral symbolise la Trinité, l'équilibre divin,
l'amour, la connaissance ou la sagesse et la vérité.
Chez l'homme il symbolise l'équilibre entre la volonté, l'intellect et les sentiments, les vertus théologales.
4 - c'est le monde terrestre, les quatre éléments fondamentaux.
5 - s'identifie au Christ, l'étoile, les cinq sens.
7 - signifie le ciel et la terre, la création, les sept vertus Théologales et cardinales, les sept péchés capitaux.
12 - le cosmos, le Christ sur la terre et au ciel, les douze signes du zodiaque,
les douze mois de l'année, les douze apôtres.

Il faut aussi parler du symbolisme des couleurs, les trois couleurs fondamentales.

Le rouge - symbolise l'amour divin ou terrestre, la volonté mais aussi la violence, voire la haine.
Le jaune - signifie le savoir, la connaissance, la sagesse mais dans ses tons acides, la jalousie, l'envie.
Le bleu - exprime la vérité qui est la résultante de l'amour et de la sagesse. Il exprime aussi l'élévation et la religiosité.
Le vert - l'espérance, mais dans ses tons gris ou livides la dégénérescence, le désespoir.
Le violet - la spiritualité, la sublimation des sentiments et de l'âme.
Le marron - la terre, la matérialité.
Le blanc - le bien, la pureté.

Pour les fresques il fallait donc s'identifier au symbolisme de la chapelle.
Il fallait partir du porche qui précède l'édifice,
passer de la fête populaire du feu et des moutons
à l'office religieux de saint Jean et les relier à Dieu.
Trois ouvertures donnent accès aux trois direction du sud, de l'ouest et de l'est.

Au sud le solstice d'été c'est la fête des feux de la saint Jean,
devant quinze spectateurs (3x5), un couple saute le feu.
Dans la composition des lignes ascendantes convergent
et élèvent leur saut au-delà de la fête matérielle.
A l'ouest c'est la bénédiction des troupeaux avant le départ pour la transhumance.

(photo F.B.I.)

La composition en triangle apporte la lumière divine de la Trinité qui transcende un soleil
dont les sept rayons en deviennent douze avec l'étoile à cinq branches symbolisant le Christ.
A l'est c'est le départ en transhumance,
(photo F.B.I.)

la composition en ellipse et en fuyantes vers le nord-est indique à la fois la direction de la transhumance et son mouvement d'aller- retour.
Le paysage de ces scènes continue le paysage réel vu de la porte de la chapelle.
(photo F.B.I.)

Au plafond de la voûte un bleu foncé reliant l'ouest à l'est marque la matérialité de la transhumance
alors que le bleu clair reliant le sud au nord,- le solstice d'été au solstice d'hiver -
fait passer par sa forme de sablier le temps de la fête populaire
au temps de la fête spirituelle
sous le contrôle du saint Esprit réglant l'écoulement du temps.
L'ange Gabriel y annonce successivement la naissance de saint Jean
( son vêtement marque l'espérance enfin récompensée d'Élisabeth ) et celle de Jésus,
son vêtement rouge est l'affirmation de l'amour divin qui va se matérialiser.
Les yeux de l'ange regardent Élisabeth mais ses mains montrent la Vierge,
indiquant par-là la prédominance de Jésus que saint Jean précédera et annoncera.
Les mains de l'ange de l'Annonciation indiquent, l'une la Vierge et l'autre le saint Esprit. Et sur le mur nord, Élisabeth et Marie entendent et acceptent avec joie l'Annonciation.

(photo F.B.I.)

La fête populaire de saint Jean ayant été vécue le porche décoré et traversé,
la naissance de saint Jean et de Jésus annoncées, on peut franchir la porte d'entrée.

La foule des santons de Provence, qui sont le peuple des Noëls de chez nous, se presse :

(photo F.B.I.)

douze, sept hommes et cinq femmes sur le mur de gauche,
et douze : sept femmes et cinq hommes sur le mur de droite saluent cette nativité
sur le fond bleu sombre de la nuit de l'espoir.

Au-dessus des santons sur le mur de gauche une inscription rappelle la fidélité de Régusse à saint Jean.
L'office peut commencer.

La prière, le Notre Père peut s'inscrire sur les murs, s'y développer et s'illustrer.

Notre père qui êtes aux cieux, c'est à dire dans tout ce qui est élevé grand et beau,
les étoiles, le soleil, les oiseaux, les fleurs etc.
La création se développe jusqu'au deuxième niveau.
Dans le fond bleu, la vérité de cette création d'amour et de sagesse,
alors que la nuit des santons s'achève sur l'éveil des oiseaux,
monte le triangle clair de la prière du santon - le Priant -
pour s'unir à l'heure de l'Angélus avec celle du berger afin que :

Votre nom soit sanctifié. Le fond est teinté de violet marquant la spiritualité du recueillement.

Le choeur est consacré à saint Jean et au Christ.
Entre les deux fenêtres du mur de gauche, c'est saint Jean prêchant au désert.
Douze auditeurs l'écoutent annoncer:
Que votre règne arrive.

(photo F.B.I.)

Le fond est divisé en quatre parties, car c'est sur la terre que son règne est espéré.
Elles sont de plus en plus claires et plus bleues au fur et à mesure de la prédiction de saint Jean
et la dernière se teinte du vert de l'espérance de la venue du Messie.

Que votre volonté soit faite :
c'est un ange qui va jusqu'à la voûte, entre le vitrail consacré au vin, - le Sang du Christ -,
et le chevet, annoncer le sacrifice prochain du Messie. Ses mains précisent :

Sur la terre comme au ciel
c'est sur le chevet l'illustration des cinq étapes de la vie de Jésus,
dont son baptême dans les eaux du Jourdain par saint Jean.

Dans une grande ellipse symbolisant le cosmos
et baignant dans l'infini bleu et vert de la vérité, de l'espérance du Verbe,
deux spirales dont les points de jonction sont la tête du Christ et celle de saint Jean,
s'enroulent l'une dans les tons ocrés parce qu'elle part de la terre,
l'autre dans les bleus parce qu'elle est le Ciel.
Elles sont traversées par un triangle équilatéral dont la base est l'eau du baptême
et l'ocre de la terre, et dont la pointe bleue s'achève par la colombe du Saint Esprit
entourée de couleurs rouge, jaune et bleue de l'amour et de la sagesse divine et de la vérité.
Il faut remarquer que la croix de la crucifixion ne s'arrête pas à la matérialité de la croix
mais se prolonge marquant la perpétuité du sacrifice de la Rédemption.
Elle est rouge comme l'amour et verte car elle est aussi l'espérance.

Donnez-nous aussi notre pain de chaque jour :
C'est un ange, pendant du premier, du fond de chevet au vitrail consacré au pain,
- le corps du Christ -, et dont les mains accueillent, qui intercède pour notre pain.

Quel pain? Non seulement le pain notre nourriture terrestre,
mais le pain nourriture spirituelle. Le pain de nos peines, le pain de nos joies,
le pain à partager, le pain de nos soucis à vaincre, le pain de notre jeunesse, celle de l'âme et de l'esprit.

Pardonnez-nous nos offenses,
comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés

(photo F.B.I.)

s'illustre par l'incarcération et la mort de saint Jean.
En effet quelle offense est plus grande que celle d'attenter à la vie et quelle puissance de pardon
est plus grande que celle de pardonner à ses bourreaux.

Cette scène qui se développe entre les deux fenêtres du mur de droite
est partagée en trois parties de 1.20m chacune.
Dans la première partie, l'arrestation de saint Jean,
un cercle rouge plus exactement rose, entoure la tête de saint Jean symbolisant la douceur
et l'amour du saint pardonnant d'avance à ses bourreaux.

La partie centrale, l'exécution de saint Jean. C'est l'instant suprême : la mort. Pardonnez- nous nos offenses !
Sera-t-on pardonné? La mort ! On va savoir, connaître l'après !
Sur le fond gris de l'inquiétude, de la tache du bourreau, qui va apporter cette connaissance,
descend un triangle jaune sur un large cercle lui aussi jaune, entourant la tête de saint Jean,
saint Jean sait maintenant.

Sur la partie de droite, la présentation de la tête de saint Jean :
un cercle bleu prouve qu'il vit maintenant dans la vérité divine.
La lumière de ce cercle éclaire les protagonistes de la scène qui pourtant demeurent insensibles.

Traversant et reliant ces trois scènes, du cercle rose du pardon de saint Jean
au cercle bleu de la troisième partie, se dessine une forme de sablier égrenant le temps terrestre
qui au moment de la mort bascule dans le temps éternel.

Ne nous laissez pas succomber à la tentation :

(photo F.B.I.)

Sur 1.2 m, d'un fond de couleurs mélangées, imbriquées quelques peu acides
qui symbolise la confusion et la lutte des sentiments, des tentations et des résistances,
un homme se débat et s'agrippe au masque de l'orgueil, de l'avarice et de la gourmandise.
Les yeux noirs et vides marquent la vanité et l'inutilité de ces tentations,
le masque lui-même en indique le côté illusoire.
Les jambes de l'homme sont immobilisées par les bras tentaculaires d'une créature
qui est à la fois la luxure, l'envie et la paresse. Le jaune acide de la robe l'indique également.
Un archange terrassant le démon mi-homme mi-hydre des tentations et de la colère
prend appui sur le triangle de la lumière bleue partant du santon "la Priante " pour exaucer sa prière.

Délivrez-nous du mal :
Enfin délivrés, purifiés, les sentiments s'envolent tels des oiseaux blancs,
vers les étoiles bleues dans la pureté du ciel des santons.

La prière est terminée, l'office est fini, la foule sanctifiée peut quitter la chapelle.
C'est alors que sur le mur, au dessus de la porte, qui la rendra au monde quotidien, un grand Christ en gloire bénit la foule.

Ainsi soit-il :
Qu'il en soit ainsi ; que cette prière vous accompagne et que vous la viviez sans le monde qui vous attend.
Le Christ est dans une gloire rouge de l'amour divin.
Deux cercles s'entrecroisent tels le monde terrestre et le monde céleste.

Le centre du premier cercle est le coeur du Christ, sa base est jaune c'est la sagesse.
Sa partie se confond avec la partie basse du second cercle dont le centre
est la bouche du Christ ( le Verbe) est bleue comme la vérité
( en vérité je vous le dis prononçait Jésus).

Un grand cercle, symbole du cosmos, entoure la scène
de sa couleur rouge violacée d'amour et de spiritualité.
Deux anges aux ailes jaunes, aux tuniques violettes
agrémentées d'une ceinture rouge et d'un long ruban vert
symbolisant à la fois l'amour, la sagesse, l'espérance et la spiritualité de leur état,
sonnent les trompettes de sa gloire et annoncent son règne dans les siècles des siècles.

Ainsi se trouve achevé le cycle qui,
partant de saint Jean solstice d'été, va rejoindre le solstice d'hiver : le Christ.

Régusse juin 1985.


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